Au commencement, il n’y avait rien.
Plus tard, elle l'appellerait néant, chaos, œuf cosmique, noun.
Nouvellement venue, l’enfant percevait les couleurs, les formes, les goûts. Toutes ces choses étaient là, et c’était tout. Si jeune, elle accordait déjà ses sons au cosmos.Les yeux tournés vers le ciel, elle lisait dans les étoiles les aventures du serpent à plumes, de la femme au jardin et du fruit croqué.
Un soir, ses aïeux lui racontèrent l’histoire de leurs ancêtres, des premiers hommes avant eux. Les toutes-choses avaient un début. Elles étaient quelque part, à quelque époque, loin d’ici.
Les récits lui disaient le monde, ces choses et leurs règles, elles donnaient du sens. Sur les épaules des chimères, dansaient les êtres du temps passé.
Quand elle en eut l'âge, elle se mit en route. Sur son chemin, elle croisa d’autres diseurs de songes. Leurs souvenirs semblaient rêvés et ils les appelaient vérité. Si certains étaient bergers, d’autres se faisaient guerriers. Mais tous étaient debout et croyaient. Elle s’assit.
Dans sa main, une pierre était brisée. En son sein, au plus petit du plus profond, elle découvrit qu’une réponse existait. Elle comprit que les toutes-choses pouvaient être observées, décortiquées. Elle calcula et pris des notes. Dans son petit laboratoire, elle faisait ses grandes expériences. Sa croyance était spéciale : plus loin elle voyait, plus l’horizon s’éloignait. Elle tourna même une nouvelle fois son regard vers les étoiles et tenta de les approcher. Elle comprenait ce que, enfant, il lui suffisait d’écouter.
Adulte, elle sut. Elle sut que le tout réel est tout invisible. Elle comprit que pour l’approcher, il fallait le raconter. Le soir, comme ses aïeux avant elle, elle laissait à ses enfants les traces de son regard, elle leur soufflait des mythes et légendes, leur confiait ses histoires.