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Cette page développe la démarche heuristique du projet. Autrement dit, la réflexion qui nourrit les créations artistiques du projet Mythologeny : comment créer une mythologie du futur ? Dans un premier temps, elle décortique le mythe. Ensuite, elle introduit la place qu’occupent les mythologies dans notre monde post-moderne. Enfin, elle s’interroge sur ce à quoi pourrait ressembler la mythologie du futur.
Plan
Une mythologie est un ensemble de mythes.
Le mythe, quant à lui, est une forme narrative complexe qui explore les phénomènes cosmiques, métaphysiques, naturels et sociaux. Il ancre les valeurs fondamentales d'une communauté, contribuant ainsi - consciemment ou non - à sa cohésion. Plus qu'un simple récit, le mythe est un vecteur puissant de transmission de la connaissance.
Il permet, par le biais de la narration, l'élévation de la conscience tant individuelle que collective. Au-delà de la diversité de leurs formes, les mythes demeurent profondément anthropocentriques : ils révèlent des vérités essentielles sur la nature humaine et sa place dans l'univers. Dans leur essence, les mythes mettent en scène des archétypes et des modèles comportementaux qui permettent aux individus et aux sociétés d'intégrer ce que signifie être pleinement humain, ou plus précisément, ce que pourrait être une existence humaine réalisée dans toute sa potentialité.
Les mythes qui sont liés, interconnectés de par leur contexte spatio-temporel et culturel composent une mythologie.
Le mythe est une des activités humaines présentes chez toutes les civilisations. Pour le comprendre, il faut déjà le considérer tel quel.
L'erreur serait de réduire nos activités humaines à leurs seules conséquences pratiques. Prenons l'exemple de la religion : nombreux sont ceux qui la justifient par son impact sociétal - contrôle des masses, quête de sens, réconfort existentiel. Si ces aspects découlent effectivement du fait religieux, ils n'expliquent pas pour autant l'omniprésence des religions dans toutes les civilisations. En réalité, ces finalités instrumentalisent la religion, l'utilisant comme un outil remarquablement efficace pour atteindre leurs objectifs. Avec ou sans religion, les humains cherchent à exercer des jeux de pouvoir, donner un sens à leurs activités, ou trouver un réconfort existentiel. De même, nul ne songerait à justifier le sentiment amoureux par le simple fait qu'il embellit l'existence (bien que ce soit indéniablement le cas). L’amour découle d’un instinct de reproduction et de préservation.
À l'instar de la religion, de la musique ou de l'amour, la présence des mythes transcende leur impact sur nos vies individuelles et collectives. Dans une perspective évolutionniste, ces grands thèmes qui façonnent notre humanité trouvent leur explication dans les sciences cognitives : nos cerveaux sont programmés pour générer des "schémas" essentiels à notre survie globale.
Certains de ces schémas ont évolué, se complexifiant au fil du temps. Ces exaptations (ou dommages collatéraux) de l'évolution sont probablement à l'origine de l'hégémonie de Homo sapiens sur cette planète, îlot de conscience dans l'immensité cosmique. Elles ont sculpté notre humanité telle que nous la connaissons aujourd'hui, dans toute sa richesse et sa complexité.
Pour approfondir cette fascinante réflexion, je vous recommande vivement l'ouvrage éclairant Et l'Homme créa les Dieux du chercheur Pascal Boyer.
Le mythe est avant tout un récit. C’est une expression narrative, linéaire et structurée. Le mythe met en scène un ou plusieurs personnages qui, partant d'une situation initiale, sont confrontés à un élément déclencheur. S'ensuivent des péripéties, des tensions dramatiques, culminant en un climax, avant d'atteindre une résolution qui engendre un changement. Cette structure narrative est ce que nous appelons communément une fiction.
Cependant, les mythes se distinguent des autres récits par leur crédibilité aux yeux de leurs contemporains. Les Grecs de l'Antiquité croyaient véritablement à l'existence passée de géants sur Terre. De même, les chrétiens adhèrent concrètement à l'idée que Dieu s'est “fait homme” il y a environ 2000 ans. Cette intrusion du mythe dans le monde réel est appelée métalepse. En narratologie (science de la narration), une métalepse désigne le passage d'une diégèse (niveau de réalité) à une autre. Par exemple, lorsqu'un personnage s'adresse au narrateur, ou que le narrateur interpelle le lecteur. Ainsi, le mythe est un récit qui s'ancre dans le monde réel.
De ces histoires naissent des traditions et des rituels, sur lesquels s'érigent des temples et des structures sociales qui, orchestrés, constituent les religions.